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Fin mars 44 , début avril , les troupes allemandes ont engagés de terribles opérations répressives en Corrèze, en Dordogne et dans le Cantal contre le maquis et contre les populations civiles qui les soutiennent. Le commandant Rivière, responsable militaire de l’inter région FTPF (Lot, Corrèze, Dordogne) donne l’ordre au « colonel Georges » chef FTPF du Lot et au commandant Philippe (J J Chapou)(H) commissaire aux opérations FTPF du Lot et »Alain »(René Andrieu) son adjoint d’y exécuter une opération de diversion susceptible de soulager les résistants des départements voisins . ( En janvier 1944, le chef des FTPF du Lot, le « colonel Georges « -Robert Noireau, a reçu en renfort Jean-Jacques Chapou »capitaine philippe » de l’AS qui, lassé de « l’attentisme » des dirigeants de l’AS a rallié les FTPF de « Georges » avec 250 maquisards)
L’ordre reçu était de se maintenir sur place et de ne décrocher qu’après un engagement avec les troupes d’occupation. La date, le lieu et les moyens d’action étaient laissés aux responsables FTPF du Lot « Philippe », désigné pour mener l’affaire sur la plan militaire, fixe son choix sur Cajarc à 50 km de Cahors et à une trentaine de km de Figeac et Capdenac, toutes les routes qui y parviennent, accidentées, sont faciles à barrer et à défendre, au Sud, la route de Villefranche et celle de Montauban, à l’Est longeant chaque rive du Lot qui conduit à Figeac par Cadrieu et à Capdenac par Montbrun. Au Nord ,l’une se dirige vers Marcilhac , l’autre sur Figeac.

La voie ferrée qui longe le Lot est coupée depuis le 6 avril au tunnel du Coudoulou à l’Ouest. Les résistants feront sauter la voie à l’est en direction de Capdenac. Le maquis d’OLS contrôle toutes les routes sur la rive gauche du Lot en évitant que les FTP du Lot ne soient cernés par les troupes Allemande, les GMR et les miliciens (Ils récupéreront les troupes qui en se repliant ont dû traverser la rivière à l’issue de l’opération)
Au jour J fixé au 10 avril, 500 hommes de tous les maquis du Lot bien armés qui, en car , qui en camion ou en voitures individuelles, se rendent à Cajarc, venus de huit maquis, Bessières, Imbert, Jean Bart, Gabriel-Péri, Guy-Môquet, Douaumont, France, Liberté, République, ces deux derniers à base d’espagnols.(3ème Bataillon FTPF, 2310, 2311, 2312 Cie FTPF)
Sur les diverses routes les embuscades sont installées, la gendarmerie ou « Philippe » installe son PC, la poste , la gare et la mairie sont occupés. Les gendarmes sont enfermés dans des locaux disciplinaires pendant toute la durée de l’opération.
Dans le même temps, un tract dactylographié était distribué à la population : « A la population de Cajarc :: des patriotes en armes occupent aujourd’hui votre ville. Au même titre que pour les patriotes d’autres pays occupés, l’heure est venue de participer d’une façon active à la libération de la France et de la débarrasser définitivement des brigands boches et des traitres qui la souille et qui la pille. Nous vous appelons tous à rejoindre nos rang. Nous vous donneront les armes nécessaires pour que cette lutte de libération nationale soit menée jusqu’à la victoire totale sur la canaille hitlérienne et sur ceux qui, au mépris de toute idée de patrie, se sont mis à la solde des nazis.
L’intérêt militaire, politique, économique et humain de notre patrie exige que tous les français, rejetant un attentisme qui sert l’ennemi, se lancent hardiment dans la bataille libératrice qui redonnera à la France sa place de grande nation libre »
« EN AVANT POUR LA LIBERATION, VIVE LA FRANCE LIBEREE »
Les frères Roques qui étaient à l’origine de la destruction d’un maquis et Bousquet milicien notoire sont exécutés. Plusieurs dynamiteurs sont envoyés faire sauter la voie à un km en direction de Capdenac. A 9 h Philippe avertit la Gestapo cadurcienne de l’occupation. Vers 13 heure une unité allemande s’approche de Larnagol, attaque la ligne droite et tombe sur l’embuscade principale placée sous les ordres du chef Pitchoro (Ariza) qui dispose de l’effectif complet de deux maquis. Embuscade classique sur laquelle est installée une mitrailleuse et un fusil mitrailleur balayant une ligne droite d’environ 500 mètres, et d’hommes installés sur les hauteurs. Au cours des premiers combats, quinze feld gendarmes et deux hommes de la Gestapo sont tués ou blessés, un seul a réussi à s’enfuir en traversant le Lot à la nage. Au cours de l’après midi les Allemands reviennent en force et occupent les hauteurs qui entourent la ville ; sept cent cinquante allemands c’est à dire la presque totalité de la garnison de Cahors, deux unités GMR (groupes mobiles de réserve ) et vers le soir une centurie de la milice . Des accrochages ont lieu un peu partout et à la fin de la journée l’étau se resserrant il est temps de décrocher.
Après de multiple accrochages, et au moment du décrochage, le groupe du maquis France, commandé par « Chomino » (Charles Boizard ») ne peuvent être averti par l’agent de liaison. Les FTPF Van Emond, Quémeré, Mouly, seront tués. Quatre autres seront capturés, amenés à Cahors puis à Toulouse et fusillés à la prison Saint Michel, Chomino, quelque temps avant encore jeune instituteur à Couvert-Soturac, Larrive Georges, Emile Coiry, Durand « fil de fer ».
Gabriel Mailhebeau (Instituteur à Lanargol (Lot), Il rejoignit la Résistance au sein du Maquis Douaumont, relevant de l’AS et Libération-Sud puis des FTP).Les circonstances de sa capture ne sont pas bien définies, Il a possiblement été arrêté le 10 avril 1944 lorsque des résistants barrant la route Cajarc-Cahors ont été tués ou arrêtés. Selon une autre source, il aurait été arrêté par le SD en mars 1944. Dans tous les cas, Il fit partie du convoi du 27 avril 1944 parti de Compiègne à destination d’Auschwitz-Birkenau. Il fut ensuite transféré à Flossenbürg (Allemagne) où il mourut.
Laissons Ange Ariza commandant l’embuscade principale:
Rapport Ange Ariza « Pitchoro »
» Je reçu comme instruction avec la maquis « France » et le maquis »Liberté » composés uniquement d »espagnols, de faire un barrage en chicane à la sortie de Larnagol.. Je choisis le dernier virage à la sortie du village qui me donnait la visibilité sur la route de cahors et de Saint-Chels. Je plaçais le maquis « Liberté » sur la route de Saint-Chels avec une mitrailleuse qui couvrait en enfilade la route départementale de Larnagol et de Saint-Chels et le maquis « France » sur les hauteurs de la route nationale avec mitraillettes fusils et grenades, gardant pour moi le fusil mitrailleur. Je donnais à chacun mes instructions tout en recommandant de ne pas faire de bruit et surtout de ne pa se montrer. La matinée se passa s’en voir les allemands, ce n’est que vers treize heures que j’entendis des bruits de moteurs. Je donnais aussitôt l’alarme en recommandant à mes hommes de n’ouvrir le feu qu’aprés la première rafale que je tirerai avec mon FM. J’aperçus trois voitures allemandes qui tombèrent dans le piège, et à vingt mètre je fis feu; toutes les armes des maquisards firent de même, et plusieurs grenades explosèrent. Surpris, les allemands sortirent des voitures, plusieurs furent touchés et les autres sautèrent dans un champ pour essayer de rejoindre le Lot qui se trouvaient à 500 mètres, certains furent tués mais la riposte vint. Je donnait l’ordre de passer à l’assaut et me lançait à leur poursuite. Je me trouvais face à un colonel sur qui le vidai mon chargeur. Je récupérais des armes, des patiers et trois voitures dont deux étaient en état de marche. Je comptait les morts allemands: 14, et pas un seul blessé de notre côté. Je donnais l’ordre de reprendre les positions et de bien faire attention. Je pris une voiture pour aller demander de nouvelles instructions à Cajarc. Je fus reçu par le lieutenant Antoine qui m’ordonna de rester sur mes positions jusqu’à la nuit. Je rejognis mes hommes et les informais de cette décision que je trouvais tout à fait illogique.La soirée allait le confirmer. les allemands informés par Paganel arrivèrent de Cahors, de Saint-Chels, et de Calvignac et nous encerclèrent. Seule la route de Cajar nous permettait un repli. Les allemands s’étaient rapprochés de plus en plus, je trouvai plusieurs de mes hommes blessés dont un de mes anciens, dit « Roosevelt », qui me demanda de l’achever. Je n’en eu pas le courage. Je fis tout pour sauver le reste de mes hommes que j’embarquai rapidement dans les camions avec consigne de rejoindre Cajarc. Une dizaine d’hommes manquant dont mon adjoint Chimino, je pris une voiture et revins en arrière afin de les récupérer mais un fusil mitrailleur troua ma porte et mon pneu. Je fis donc demi-tour sur place et me dirigeai vers Cajarc car il n’y avait plus rien à faire. Je rattrapai mes hommes et rentrai à Cajarc. Nous étions encerclés de toute part par les allemands, les GMR, et les miliciens. J’entrepris avec quelques hommes des tirs d’entrtien sur les GMR qui se trouvaient sur la route de Villefranche de Rouergue. A la tombée de la nuit; je reçu l’ordre de me replier sur Livernon. Nous passames la nuit dans une bergerie et ce n’est que le lendemain que j’appris la perte d’une dizaine d’hommes à Larnagol qui avaient été torturés et tués; les uns sur place, les autres à la prison Saint- Michel à Toulouse. »Ange Ariza « Pitchoro »

La dépêche, fidèle à sa ligne collaborationniste titrera quinze jours plus tard « 80 bandits éliminés à Cajarc » par 25 gardes de la milice(sic) et la Croix de l’Aveyron ne fut pas en reste ( communiqué copié collé et titre légèrement différent)


L’occupation de Cajarc du 10 avril eut un fort retentissement, portant atteinte au moral des Allemands qui à compter de ce jour dans le Lot s’abstiendront d’effectuer leurs multiples sorties qui paralysaient beaucoup la résistance. Elle montra aussi à la population que la résistance armée était vraiment devenue quelque chose d’effectif. Cette opération est un moment emblématique de la stratégie des FTP. Elle a pour but de rallier les attentistes et a eu un impact considérable sur l’administration de Vichy et sur les troupes d’occupation
Le premier mai, à l’initiative de « Philippe », et après l’expérience de Cajarc, c’est l’occupation de Gramat qui est décidée, afin d’attirer dans un guet-apens les allemands basés à Cahors. Les embuscades sont placées loin de la ville et le dispositif de sécurité renforcé. C’est le lieutenant « Antoine » qui assure l’occupation de la ville et sa protection rapprochée, avec les maquis « Guy Mocquet », « Bessières » et « Douaumont ». Ils constituent ainsi le groupement nord. En interception éventuelle, entre Figeac et Assier, à Reilhaget, près de Reilhac, on trouve les trois maquis espagnols « Liberté », « Egalité », « Fraternité ».
Le groupement sud, est en embuscade à quinze kilomètres de Cahors avec les maquis « Gabriel Péri », « France » et « Jean Bart ». « Philippe » installe son PC à Constans. Les allemands, bien avertis, ne sont pas tombés dans le piège et n’ont pas quittés Cahors (D’après les ordres, ils ne devaient plus se déplacer qu’en force encadrés par la division Das Reich et ses unités blindés). L’opération dont le décrochage s’est effectué à midi, reste positive, ayant, comme à Cajarc, un grand impact sur la population. Une gerbe fut déposée au monument aux morts et des fonds récupérés à la perception et à la poste.
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