Résistance dans l’Ouest Aveyron début 1944

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Sur le front oriental, l’Armée rouge ne cesse de progresser vers l’Ouest Elle entre à Kiev , en Ukraine , en novembre1943, En Italie la bataille est aux portes de Rome , les Alliés sont maîtres de toute l’Afrique du Nord et le débarquement sur la cote Atlantique ne fait plus aucun doute .

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La dépêche avril 44

Les notables , le clergé et le monde rural Aveyronnais restent , sans retenue , favorables au maréchal et à son gouvernement . Le 5 février 1944 , des maires du département emmenés par Bonnefous maire de Rodez , Tourtonde nommé maire de Decazeville par le préfet Marion etc … se rendent à Vichy pour rencontrer Pétain. « la délégation des maires de l’Aveyron est rentrée lundi en Rouergue enchantée de son voyage et encore toute émue de l’accueil que lui ont réservé le Maréchal de France , Chef de l’État, et Monsieur le président Laval , Chef du gouvernement » « Laval se déclarera impressionné par leur volonté de servir qui animait ces représentants »

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le Journal de l’Aveyron 12 février 44

Les milieux bourgeois et cléricaux appréhendent, pour la plupart, la victoire des « rouges  »qui entraînerait la bolchevisation de l’Europe et restent dans le schéma d’avant guerre « plutôt Hitler que le Front Populaire » . La presse du département accentue sa propagande pro-Vichy et qualifie les résistants de « terroristes bolchéviques au service se Moscou ennemis de notre civilisation. » Les résistants «qui veulent voir notre pays disparaître dans la misère , la faim , la guerre civile , l’anarchie et la mort » « vrais assassin » « traitres et pilleurs (l’Union Catholique)

Mais pessimiste, le journal de l’Aveyron constate douloureusement l’activité « terroriste » désormais sur le département : exécution de miliciens, sabotages, agressions d’élus etc….

Le journal de l’Aveyron 18 mars 1944

Au cinéma Rex à Decazeville est présenté le film, ultra-antisémite, le juif Suss qui attirera quand même autour de 300 spectateurs. (Rapport des RG Aveyron Dos.201W-75) Louis Dupiech, qui vient de remplacer le préfet Marion « la répression du terrorisme est perçue comme un mal nécessaire pour mettre un terme aux exploits de groupements qui inspirent un sentiment de terreur dans les masses paysannes » février 1944 A.D.Aveyron Dos 201W-75

En résumé , ce département où les notables , le clergé , plus que jamais fidèles à Pétain, la presse dont la propagande pétainiste bat son plein met la résistance locale dans un environnement ultra défavorable et sous la menace d’indiscrétion mais surtout de délation.

Cependant les milieux urbains du Bas-Rouergue, notamment les ouvriers n’accordent aucune confiance à ces journaux ou à la radio vichystes et suivent favorablement à la radio de Londres les revers de plus en plus conséquents à l’Est dont les succès remportés par les troupes Russes sont favorablement commentés dans les milieux ouvriers.  » dans l’ouest Aveyronnais industrialisé, on espère qu’à la fin de l’hiver les attaques soviétiques rejetteront hors des frontières les armées allemande et entraineront l’effondrement du Reich » Rapport du RG à l’intendant de police régional de Montpellier 16 janvier 1944 A.D. Aveyron Dos 01W-75

L’opinion a grandement évoluée dans l’ouest Aveyron y compris dans le monde paysan du fait des évènements internationaux, de la politique de collaboration du gouvernement de Vichy mais aussi de la propagande de la résistance permettant la création en son sein du maquis FTPF « le maquis d’Ols »

Avant le débarquement, ce premier semestre 1944 sera donc le temps de l’organisation , la montée en puissance de l’action de la résistance multipliant sabotages et attentats, neutralisant les collaborateurs les plus impliqués, et diffusant des tracts de contre-propagande Vichyste. Un rapport les Renseignements Généraux constatent le 30 mars sur la résistance aveyronnaise « l’activité essentielle relevée se situe dans le Bassin et aux actions des résistants locaux s’associe les maquis du Lot »

Les organisations de masse communistes, Le FN, Les FUJP, menaient une vigoureuse propagande anti-Vichyste et anti-allemande au contraire des socialistes et de la résistance non communiste d’une grande discrétion. Sur les 48 journaux et tracts distribués entre avril 1944 et et les premiers jours d’août 1944 et récupérés par les forces de l’ordre dans l’Ouest Aveyron, quatre étaient signés PC, 8 par les JC, 5 par le FN, 6 par les FUJP, 2 par les milices patriotiques, 3 par des syndicats illégaux, 3 par la CGT, 7 par les comités de libération, 4 par plusieurs mouvements de résistance, 3 seulement par les MUR, et aucun par les socialistes.

Dans le même temps, la répression s’intensifie. (L’intervention de la division Das Reich autour de Figeac y prendra la part la plus terrible), nombre de résistants sont arrêtés.

En bas Rouergue qui a vu l’apparition des maquis au deuxième semestre 1943, les« terroristes bolchéviques », comme les nomment la presse aveyronnaise et la dépêche, y sont début 44 en quasi garnison . Deux conceptions du combat s’affrontent, d’un coté ceux qui préconisent la tactique de la guérilla, lancer des coups de main rapides et disparaître, de l’autre, il y a ceux qui raisonnent gros maquis ou gros bataillon qui attendent le jour J, autrement dit ,les attentistes. Les instructions de l’état-major FTPF sont formelles : Attaquer partout où c’est possible allemands et miliciens (Embuscades) Maintenir hors d’usage les voie de communications Fixer les troupes d’occupation  Pas de concentration de maquis.

Dans le bas-Rouergue, on l’a vu, les objectifs économiques et militaires à saboter ne manquent pas : La route nationale 140 reliant Rodez à Paris via Decazeville, Capdenac, Figeac, Gramat. La ligne de chemin de fer Toulouse Paris via Capdenac qui double le grand axe Toulouse Paris via Cahors. Les lignes de chemin de fer Capdenac-Cahors, Capdenac-Aurillac, capdenac-Rode. Les lignes haute tension qui convergent vers l’importante station de transformation d’Aubin .Les productions du Bassin houiller etc…

Fin 1943 et au premier semestre 1944 les FTP du maquis d’Ols à l’Ouest de l’Aveyron (région de Villefranche de Rouergue , Capdena , Decazeville ) ont une grande activité, associés à ceux du Lot à l’Est de leur département (Région de Figeac, Cajarc) (En 1943, les FTP du Lot ont été rejoint par nombre de résistants du Bas Rouergue et notamment beaucoup de mineurs. Ils interviendront souvent dans l’Ouest Aveyronnais notamment à Capdenac et dans le bassin)

Au Premier février 1944, les maquis qui dépendent de l’AS-M.U.R du Lot passent avec armes et bagages au FTPF.

C’est la guerre dans le Lot. Alors que dans les maquis on veut agir et rendre coup pour coup, dans les sphères supérieure des MUR, on pense toujours au jour J, ne pas tuer d’Allemands, attendre etc…Le capitaine Philippe (JJ Chapou ) (H), chef des MUR du Lot (qui dépendent des MUR de Toulouse (R4)passe au FTPF de Limoges (R5) approuvé par la quasi totalité des maquisards qui le suivent avec armes et bagages à l’exception de Vaysettes chef régional de l’AS de Figeac qui ne se rallia pas à la nouvelle organisation et reconstitua un nouveau maquis à Montredon, prés de Decazeville (quelques mois plus tard il fut capturé, déporté il ne revint qu’en 1945) La nouvelle organisation FTPF était sous la responsabilité de Philippe et de Georges *(H) (décembre 1943, l’effectif se monte à 600 hommes, le 6 juin 44 à 2500, et à 6000 à la libération)

*Georges (Robert Noireau) (H)est né à Vicq (Nord) en 1912. Il rejoint la Résistance en 1941 et devient responsable de la zone Paris-Ouest de l’Organisation spéciale (OS). Arrêté, il est mis en liberté provisoire pour des raisons de santé et passe en zone sud en août 1941. Il se lance alors dans diverses actions de sabotage dans le Gard et, informé que la police judiciaire de Montpellier le recherche il gagne l’Aveyron (Alès -Aubin à vélo). Arrêté par la Gestapo à Aubin, le 12 août 1943, il parvient à s’évader de la prison de Rodez. Il est pris en charge par un cheminot communiste de Capdenac qui le confie aux FTP du Lot. Robert Noireau vient d’entrer dans le Lot! Sous le nom de lieutenant-colonel Georges, il se signale immédiatement comme un organisateur de premier ordre et, prenant le maquis quasiment à zéro, le rassemble et en fait une armée. En Août 1944 il entra à Toulouse à la tête d’une colonne de 1500 maquisards.

Dés le premier janvier 1944, les actions spectaculaires vont se multiplier dans le Bas-Rouergue (pour le seul mois de janvier on compte des dizaines d’attentats : mise hors service de locomotives , destruction du matériel des mines , de pylônes électriques etc …..Et les sabotages à l’actif de la résistance ne cesseront pas sur les sites industriels fortement utilisés par les Allemands qui se trouvent à quelques km de distance. L’usine Ratier à Figeac, qui fournit les hélices des bombardiers Heinkel , le bassin houiller dont le charbon approvisionne la Kriegsmarine à Bordeaux, la gare nodale de Capdenac par laquelle transitent les prélèvements allemands d’une bonne partie de la production charbonnière, métallurgique du bassin, agricole, etc….(En1943, en France, 50 % du trafic ferroviaire, 80 % de la sidérurgie , 100 % de l’automobile et de l’aéronautique, l’essentiel du BTP étaient au service exclusif de l’effort de guerre hitlérien.)

L’activité des groupes armés en ce semestre pré-débarquement consiste donc à limiter la production de charbon, scléroser les transports sur rail pour limiter, voire arrêter les prélèvements allemands (charbon, métallurgie, produits agricoles etc..), fixer les troupes ennemies, lutter contre les collaborateurs et récupérer tickets alimentaires, vêtements, armes et argent.

Les journaux « collabo » ne peuvent plus nier la réalité résistante.

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Journal de l’Aveyron du 4 mars 1944  Cette image a un attribut alt vide ; le nom du fichier est image-50.png

Rapport du préfet Louis Delpiech destiné au cabinet du ministre de l’intérieur et long d’une vingtaine de pages, ce rapport de synthèse daté du 30 avril, concerne la seule période comprise entre le 1er mars et le 30 avril 1944. (A.D Aveyron Dos.201W-75)

« Ainsi que je le signalais dans mon précédent rapport, l’existence de maquis dans les départements voisins de l’Aveyron et en particulier dans le Lot et le Cantal, a amené une recrudescence des attentats terroristes dans le département. Ces attentats portent principalement depuis quelque temps contre les installations ferroviaires, les locomotives et les pylônes de transport de courant électrique à haute tension. Il y faut ajouter depuis quelque temps, des vols répétés d’essence. Les précautions prises, à la suite des instructions ministérielles (réduction du nombre de dépositaires , remise chaque soir au commissariat de police ou de gendarmerie du flexible et de la manivelle) restent inopérantes. Des vols de titres de rationnement sont également à signaler(…). J’appelle à nouveau l’attention du Gouvernement sur l’insuffisance des effectifs de police et de gendarmerie mis à ma disposition pour le maintien de l’ordre. Les éléments du maquis n’hésitent pas à se montrer en armes en plein jours soulignant ainsi l’impuissance de la force publique à s’opposer à leurs agissements.(….)

Notons l’intéressante évolution sémantique, les résistants qui étaient désignés comme « les terroristes », deviennent « les maquis »

Attentas-sabotages-incendies « Pendant les mois de mars et d’avril ,les activités terroristes représentent : 4 assassinats auxquels il faut ajouter une personne carbonisée dans un incendie 3 personnes blessées une personne enlevée 29 pylônes de transport électrique à haute tension sabotés 8 attentats contre contre des locomotives 4 attentats contre des trains 2 attentats contre des installations minières 8 attentats divers(incendies,destruction de véhicules…) 7 vols d’essences représentant une quantité de 10 000 litres 3 vols de denrées alimentaires 3 vols de tabac 4 vols de véhicules 2 vols d’effets militaires 2 vols de numéraires(745 000 francs au total) 3 vols d’explosifs(3 750 kg et 13 000 détonateurs) 2 vols de tickets d’alimentation »

Dans ce même rapport  « Le calme traditionnel du département de l’Aveyron est de plus en plus troublé par des sabotages et des attentats dus ,il est vrai , pour la plupart , à des éléments étranger au département »

Bien que non exhaustives et pour la seule période des mois de mars et avril 1944, ces actions démontrent, s’il en était besoin, que la résistance en Aveyron, essentiellement à l’Ouest du département* ,combat efficacement et sans relâche obligeant les forces d’occupation à réagir et mener nombre d’actions répressives..

*(Un rapport des Renseignements Généraux du 30 mars 44 note : « l’activité essentielle relevée en Aveyron se situe dans le Bassin et aux actions de résistants locaux s’ajoutent celles des groupes lotois »

Là encore, évolution sémantique, pour les Renseignements Généraux, « les terroristes » sont devenus « des résistants ».

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