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L’appareil administratif français a très largement participé à la mise en œuvre des arrestations anti juives opérées en France en 1942. Les mesures ont été prises au sommet. Elles ont été répercutées par la voie hiérarchique. Forts de l’autorité administrative accrue qui leur était accordée, les préfets ont servi de relais aux ordres venus de Vichy. Les arrestations ont dans un premier temps touché les groupes vivant dans la zone sous occupation allemande. En août, ces arrestations ont été étendues à la zone non occupée.
Par Le statut des juifs édicté le 3 octobre 1940 les juifs de nationalité française perdaient, par ce décret du gouvernement de Vichy, leur statut de citoyen à part entière et étaient de fait exclus de l’administration et de nombreuses professions. La loi du 4 octobre 1940 sur « les ressortissants étrangers de race juive » (bien que portant le nom de « loi », il s’agit en fait d’un acte de l’exécutif puisque le Parlement n’était plus en fonction depuis le 11 juillet 1940) permet l’internement immédiat des Juifs étrangers. C’est une loi d’exception conçue et mise en application par le régime de Vichy. .


La Loi du 2 juin 1941 « remplaçant la loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs » dite « second statut des juifs» est un acte édicté par le régime de Vichy par lequel celui-ci précise la définition, à son sens légale, de l’expression « de race juive ». Bien avant l’occupation de la zone sud, dés août 1941, le préfet Marion et son administration mettent en place une surveillance organisée dans le département qui entraînera des rafles quasi-militaires..
En novembre 1941, 918 juifs résidant en Aveyron sont recensés (441 français , 477 étrangers)
Le préfet Marion réitère, début septembre, ses instructions : « Il convient de poursuivre et d’intensifier les opérations de police en cours, de recourir au besoin à des rafles, vérifications… perquisitions…arrestations… Il sera sans doute nécessaire de les renouveler.. . J’attache le plus grand prix à ce que la Gendarmerie et les services de Police redoublent de vigilance et exercent une surveillance de plus en plus stricte sur les Juifs et sur les Juifs étrangers en particulier ».
En Aveyron, dans cette société au maréchalisme fort, dès 1941 existe un antisémitisme profond, ancien et explicite, du moins dans la presse. Le 11 août 1941 l’Union Catholique organe religieux aveyronnais, publiait un article « Qu’est ce qu’un juif » et dans un passage précisait son point de vue : « pas un citoyen conscient des pays civilisés qui ne comprennent pas l’inéluctable nécessité de mettre le juif hors de la communauté nationale lorsqu’il se considère et agit comme un véritable heimatlos » Et Comme pour les espagnols , la loi de 1927 sur les naturalisations est revisitée et les retraits de la nationalité française sont nombreux.

Dans le département, l’histoire des juifs et de la population est trop souvent une sale histoire. Comme pour identifier la résistance et leurs camps, la délation des juifs était indispensable. Les Allemands ne connaissait rien au département et sans l’administration et les délateurs, ils étaient totalement démunis ..
Les revues de l’église n’hésitent pas à user de stéréotypes et d’expressions antisémites qui créent une image diabolisée du juif. Les journaux aux écrits franchement antisémites, ne feront pas l’objet de la moindre réserve de Mgr Challiol. Ce dernier, du reste, et au contraire de certains évêques tels Mgr Saliège à Toulouse n’élèvera pas la moindre protestation contre la déportation des juifs.




Sur 900 Juifs recensés dans le département, près de 600 hommes et femmes et 90 enfants furent arrêtés. 370 adultes et 51 enfants iront dans les camps de la mort. 11 seulement en reviendront. Les rafles organisées par une politique d’État efficace se succéderont à partir de 1942. Août et septembre 1942, janvier, février, mars 43… jusqu’en avril 44, des dizaines de Juifs aveyronnais seront convoyés par les Nazis. .
La rafle du 26 août 1942 survenue six semaines après la rafle du Vel-d’hiv. est une vaste rafle organisée en « zone libre », à l’initiative des autorités de Vichy après négociation avec les Allemands
En Aveyron, ce jour là 176 juifs ( 58 hommes, 71 femmes, 47 enfants) sont arrêtés dans une trentaine de communes et dirigés vers le camp de Rivesaltes dans les Pyrénées Orientales. Les Allemands n’arrivant dans le département qu’en novembre 42, la responsabilité de l’opération est exclusivement celle de la France et l’exécution effectuée par sa police et gendarmerie.
Itinéraire de la rafle du 26 août 1942 en direction de Rivesaltes pour l’Ouest Aveyronnais organisée de façon quasi militaire par le préfet Marion (cars Pelous réquisitionnés pour Villefranche de Rouergue et Malpel pour Decazeville)


Le préfet Marion déclarera « Le ramassage des juifs étrangers n’a provoqué que peu de réactions. Certaines âme compatissantes s’apitoient sur des cas d’espèce. En général la population pense que cela incitera ceux qui restent à se tenir tranquille. »
Les Allemands prennent la suite et les 8 et 9 janvier 1943, deux convois partent pour la Corrèze, 94 juifs dont 10 enfants quittent Rodez par voie ferrée pour Meymac, 17 proviennent de Millau et Creissels, 14 d’Espalion et Montézic, 12 de Saint-Affrique et 12 de Belmont, 10 de Sauveterre, 8 de Villefranche, 5 de Tournemire ou 4 de Sylvanès. Ce fut pour beaucoup l’antichambre de la déportation. Deux rafles se déroulent encore les 20 et 24 février 1943. Un convoi de 80 personnes rejoint Gurs, en mars, après une opération sur Villefranche-de -Rouergue. Des arrestations ponctuelles eurent lieu à St-Jean-de-Bruel, Salles-Curan, Naucelle ou Decazeville dans les mois qui suivirent. Le 22 avril 1944, 38 Juifs français étaient raflés à Rodez par la Gestapo « grâce aux fichiers de la police de la collaboration« , internés à la caserne Burloup avant d’être tous déportés vers les camps d’extermination
Sur 918 Juifs recensés dans le département, près de 700 ont été raflés. 367 juifs dont 51 enfants iront dans les camps de la mort, déportés vers Sobibor, Maïdanek et Auschwitz entre 1942 et 1944. 10 d’entre eux ont survécus.
A contrario des crapulerie anti- sémites, des aveyronnais ultra minoritaires mais excessivement courageux protégèrent, cachèrent chez eux, dans des écoles, dans des collèges, des institutions catholiques sous des noms d’emprunts durant toute la guerre des dizaines de jeunes juifs. 46 Justes en Aveyron, 46 «résistants sans armes» sont reconnus par l’Institut Yad vashem de Jérusalem en 2019
Parmi ces justes , Denise Bergon directrice du couvent de Massip, abrita quatre-vingt-trois enfants juifs et onze adultes entre décembre 1942 et juillet 1944 dans ce couvent à Capdenac. La plupart recevait de faux papiers et un nom d’emprunt.

Mgr Challiol évêque de Rodez au contraire de certains évêques tels Mgr Saliège à Toulouse n’élèvera pas la moindre protestation contre la déportation des juifs et sans sourciller, le 22 novembre il envoie un télégramme de soutien de Mgr Challiot à Pétain « pour le succès de sa mission » dans les jours sombres consécutifs au débarquement allié en AFN

Les préfets Marion et Dupiech illustrent chacun à leur manière l’argument du moindre mal. Si pour le premier« Obéir c’est faire son devoir », le second illustre l’adage« Démissionner c’est déserter ». La philosophe Hannah Arendt a magistralement montré, jadis, que ces deux arguments étaient inacceptables : « Obéir c’est soutenir, Rester c’est cautionner » Jean Moulin a démontré que, à partir du moment où on est personnellement confronté à un ordre inacceptable, c’est au contraire démissionner qui signifie résister.
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