Préfets en Aveyron (de 1938 à 1944)

17 février 1800, naissance des préfets

Voir tous nos articles sur la résistance dans l’Ouest Aveyron : AveyronResistance.fr

Jean Moulin, qu’il est inutile de présenter, est préfet de l’Aveyron du Premier juin 1938 au 21 février 1939. Jean Moulin arrive en Aveyron avec une réputa-
tion d’homme de gauche et d’emblée certains le désignent de préfet « Front Popu » voire de « préfet rouge ». Aussi, les débuts s’effectuent dans un contexte local particulièrement rude. Le sénateur Monsservin, adversaire déterminé du Front Populaire s’afficha critique sans nuance du jeune préfet. Le 19 avril 1937, dans son discours inaugural, J. Monsservin, président de cette assemblée depuis 1920, s’adresse directement au préfet : « (…) Monsieur Moulin verra ici, dans ce département, une population active, laborieuse, particulièrement méritante, (…) il prie Monsieur le préfet de regarder la lignée d’administrateurs qui l’ont précédé à la tête de
ce département et lui demande d’être un administrateur et
non un partisan (
…)

Le 16 avril, quelques semaines après son arrivée, Jean
Moulin interdit la tenue à Rodez du congrès départemental du Parti Social Français (PSF) du colonel de la Rocque qui devait en assurer la présidence.
Toutes les sections de l’Aveyron et celles des départements
voisins ayant été invitées, les organisateurs tablaient sur la
présence de 8 000 à 10 000 auditeurs.

Interdit à Rodez, le meeting se tient dans la commune voisine de Flavin devant 8 000 personnes, de nombreux maires, conseillers généraux et conseillers d’arrondissements, quatre des huit parlementaires du département sont présents .( Roland Boscary Monsservin, président du groupe de Rodez, y prit la parole)

Jean Moulin est convaincu que « le grand combat entre fascisme et démocratie commence de l’autre côté des Pyrénées et dès le début
de l’atroce guerre civile espagnole, il considère
que l’aide aux Républicains est le premier combat pour la
liberté au contraire de la droite aveyronnaise ultra majoritaire
qui prend fait et cause pour Franco, choisi par Dieu et rempart inexpugnable de la religion.

Ainsi, Jean Moulin qui ne cache guère qu’il a « le cœur à gauche » et l’affichage de cette sensibilité n’est pas pour nombre de ses interlocuteurs aveyronnais la plus convenable des qualités.(c’est un euphémisme)

C’est le préfet d’Estarac qui lui succédera jusqu’en septembre 1940

En regard des instructions données vis à vis des étrangers à son département, Destarac était un préfet totalement pétainiste.

« De nombreux cas me sont signalés de réfugiés espagnols se trouvant en chômage ou en situation irrégulière… Pour y porter remède, j’ai décidé que tout réfugié espagnol, trouvé à quelque titre
que ce soit en situation irrégulière sur mon département après le
15août devrait être immédiatement et sans consultation de mes services, signalé à la gendarmerie, pour être dirigé sur un camp des
Pyrénées Orientales. (…)Tout étranger, à quelque nationalité qu’il
appartienne, parvenu dans mon département après le 3 juillet, sans
y être autorisé, devra être signalé à la gendarmerie qui le refoulera
sur son pays d’origine ou,dans le cas d’impossibilité, le dirigera sur
le lieu qui lui sera indiqué..
.

Circulaire du préfet Destarac à MM les Sous-Préfets, Maires et Commissaires de police du département.A.D.Aveyron201W-69

Charles Marion remplacera le préfet d’Esterac de septembre 1940 à décembre 1943 LeColonelMarionest nommépréfet de l’Aveyron enremplacement
de M. Destarac. Il arrive à Rodez le 25 septembre. En 1925, il avait
servi sous Pétain, au Maroc. Avant sa nomination, Marion était
stagiaire à l’Ecole de guerre. Il deviendra général en 1942 et
gouvernera le département jusqu’en décembre 1943. Ultra pétainiste, il appliquera avec brutalité la politique de révolution nationale vichyste : ordre, patrie, foi en dieu. Préfet de Haute Savoie de décembre 1943 à août 1944, Il déclare lors de sa prise de fonction : « mon but est de détruire la résistance et lutter contre les maquis avec la plus grande énergie »

Il « épurera » les municipalités aveyronnaises et suivra scrupuleusement les directives pétainistes.

Il appliquera rigoureusement les directives antisémites, usera d’une brutale répression administrative et policière,

Bien avant l’occupation de la zone sud, dés août 1941, le préfet Marion et son administration mettent en place une surveillance organisée dans le département qui entraînera des rafles quasi-militaires. En novembre 1941, 918 juifs résidant en Aveyron sont recensés (441 français , 477 étrangers) Le préfet Marion réitère, début septembre ses instructions : « Il convient de poursuivre et d’intensifier les opérations de police en cours, de recourir au besoin à des rafles, vérifications… perquisitions…arrestations… Il sera sans doute nécessaire de les renouveler… . J’attache le plus grand prix à ce que la Gendarmerie et les services de Police redoublent de vigilance et exercent une surveillance de plus en plus stricte sur les Juifs et sur les Juifs étrangers en particulier ».

La rafle du 26 août 1942 survenue six semaines après la rafle du Vel-d’hiv. est une vaste rafle organisée en « zone libre », à l’initiative des autorités de Vichy après négociation avec les Allemands

En Aveyron , ce jour là 176 juifs ( 58 hommes, 71 femmes, 47 enfants)sont arrêtés dans une trentaine de communes et dirigés vers le camp de Rivesaltes dans les Pyrénées Orientales.

Les Allemands n’arrivant dans le département qu’en novembre 42, la responsabilité de l’opération est exclusivement celle de la France et l’exécution effectuée par sa police et gendarmerie sous l’autorité du préfet Marion..

Lors de l’instauration du STO, il rappellera aux maires leur devoir de pousser les jeunes à partir en Allemagne et d’appliquer fermement la loi contre les réfractaires.

Associée à la propagande des journaux aveyronnais, le préfet Marion lance une campagne d’affichages. Des pancartes sont apposées dans tout les lieux publics : »On embauche des ouvriers pour l’Allemagne. Renseignements gratuits sans engagement. Bon salaire. Travail intéressant. Occasion d’apprendre l’Allemand. Ouvriers français, contribuez à libérer vos compatriotes prisonniers de guerre; S’adresser à l’Office du Travail ». Des conférences sont organisées à Decazeville et à Millau seuls centres ouvriers dans l’Aveyron.

Muté en Haute-Savoie responsable de nombre d’exécutions de résistants et impliqué dans la destruction du maquis des Glière il sera extrait de sa prison à la libération et exécuté .

Tout en nuances, le journal de l’Aveyron déplore son départ le 18 décembre 1943 pour la Haute-Savoie : Chronique locale

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journal de l’Aveyron 18 décembre 1943

Et en remet une couche en terme de flagornerie le 8 janvier 1944. ( On notera que Le préfet et le maire de Rodez, Bonnefous ont pris ensemble la garde sur la voie ferrée durant la nuit de Noël )

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journal de l’Aveyron 8 janvier 1944

Préfet Dupiech (décembre 1943-avril 1944 ) Il aurait eu quelques contacts avec des cadres du M.U.R e de plusieurs réseaux des organisations de résistance locales* : N.A.P., Armée Secrète mais son activité résistante n’a cependant jamais été prouvée. Il aurait été désigné par le Comité de Libération Nationale d’Alger comme Préfet de la Libération pour son département. Mais les Allemands, avertis de cette nomination l’arrêtent le 14 mai 1944. Déporté à Neuengamme et affecté dans un kommando près de Brême. Lorsque les armées alliées approchent de Brème il est embarqué avec 12.000 détenus et disparaît le 3 mai 1945 dans le naufrage du Thielbec battant pavillon allemand et coulé par l’aviation américaine.

Chapron Marcel préfet de l’Aveyron d’avril 1944 à juillet 1944. Suspendu de ses fonctions par le commissaire de la République le 28 août 1944, sa suspension sera confirmée le 17 novembre (Curieusement, il poursuivra sa carrière normalement comme tant d’autres pétainistes, et on le retrouvera dans nombre de cabinets ministériels )

En résumé,

Les préfets Marion et Dupiech illustrent chacun à leur manière l’argument du moindre mal. Si pour le premier« Obéir c’est faire son devoir », le second illustre l’adage« Démissionner c’est déserter ». La philosophe Hannah Arendt a magistralement montré, jadis, que ces deux arguments étaient inacceptables : « Obéir c’est soutenir, Rester c’est cautionner » Jean Moulin a démontré que, à partir du moment où on est personnellement confronté à un ordre inacceptable, c’est au contraire démissionner qui signifie résister.

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