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A la veille de la guerre le département de l’Aveyron ressemblait politiquement à ce qu’il était au début du siècle. A l’inverse du pays qui a donné la victoire au Front Populaire, l’Aveyron considéré comme un espace rural traditionnel et archaïque est resté profondément conservateur pour ne pas dire réactionnaire et a peu profité des bouleversements économiques et sociaux des élections de 36. Le seul élément nouveau se localisait dans le bassin industriel et houiller de Decazeville avec la présence depuis la fin du 19ème siècle d’un prolétariat combatif et nettement marqué à gauche. Les notables ont gardé une position et une influence quasiment inchangée depuis la période pré-révolutionnaire. Rodez, ultra conservatrice a pour maire Raymond Bonnefous élu en 1935, poste qu’il conservera pendant toute l’occupation de la ville par les Allemands (Le docteur Luis Bonnefous père de Raymond pris part à la ligue catholique du Rouergue dont il fut le vice-président, sa fille présidente de la jeunesse féministe catholique et le petit fils président de la jeunesse catholique )
Millau malgré une forte population ouvrière a un maire de droite, Caussignac(qui sera frappé de cinq ans d’indignité nationale à la libération). Au contraire, le Bassin houiller, compte tenu de son prolétariat a élu Ramadier maire de Decazeville et à Aubin , Edmond Ginestet , le seul élu communiste du département. (Ramadier de gauche ???, mais il est élu avec les voix communistes).. Capdenac a un maire SFIO, Maurice Grès.
Edmond Ginestet sera déchu de ses mandats électoraux en février 1940 en application du décret scélérat du socialiste Sérol , Déporté en Algérie.
Ramadier pour cause de Franc-Maçonnerie et Grès seront révoqués par Marion, le préfet ultra-collaborationniste.
Sur huit parlementaires, l’Aveyron est représenté par Sept conservateurs
Aux élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936, les aveyronnais ont rejeté quatre sur cinq des candidats du Front populaire.

On notera dans la profession de foi des candidats de droite : « La guerre ou la paix, la liberté ou la dictature rouge » ou encore « Si vous êtes des ouvriers inconscients ou aveugles de la révolution vous en serez aussi les victimes. Si vous êtes sages artisans de la paix, vous en recueillerez les fruits » dixit le député Niel qui votera les pleins pouvoirs à Pétain, le député Temple qui appartiendra au Conseil National, organe consultatif du régime de Vichy, le sénateur Coucoureux et le sénateur Monservin qui voteront eux aussi comme un seul homme les pleins pouvoirs à Pétain
Election dans l’arrondissement de Villefranche de Rouergue lors de la victoire électorale du Front Populaire ( avril , mai 1936)
Notons que les femmes n’avaient pas le droit de vote. Il faudra attendre l’ordonnance du 21 avril 1944 pour qu’elles deviennent électrices et éligibles, comme les hommes .
26 avril -Inscrits : 27666
*Gazave (conservateur): 8105 voix
Ramadier ** (néo-socialiste) 7302 voix
Ginestet* (communiste) 5119 voix
Gres (SFIO) 1280 voix Rey (centre) 135 voix
Les 5119 voix de Ginestet n’étaient pas le reflet de l’implantation communiste dans la circonscription. En effet, ces élections ne concernaient pas les nombreux étrangers vivant dans les communes industrielles(18% à Decazeville, 22% à Viviez, etc ..) et « les adhérents aux cellules du Bassin houiller étaient en majorité des Espagnols et des Polonais » (Rapport de police)
Au second tour du 3 mai (ballotage) Gazave obtient 8819 voix. Ramadier qui bénéficie du désistement des candidats de gauche l’emporte avec 13221 voix)
*Gazave conservateur est un euphémisme, il faisait partie de l’action française. Mort en 1940 il n’aura pas l’occasion d’exercer ses talent pétainiste (Il ne peut pas être étranger à ce que l’Action française avait trouvé refuge en Rouergue,; en 1940, deux des principaux instigateurs et acteurs de l’Action française, Charles Maurras et Maurice Pujo, ont trouvé refuge à Villefranche. « C’est de Villefranche qu’est partie la dépêche envoyée à l’agence Havas dans laquelle l’Action française indiquait se rallier au maréchal Pétain » Patrice Lesueur)

L’arrondissement de Villefranche a donc réagi comme la majorité du pays. Mais les autres circonscriptions aveyronnaise sont restée profondément conservatrices avec des députés, des sénateurs et des conseillers généraux qui appartiennent à la droite catholique. En 1936, ce département ressemble à ce qu’il était en 1908 et même avant, les notables et l’église ont gardé une position et une influence à peu prés inchangée depuis le 19 ème siècle. L’arrondissement de L’Ouest Aveyron est donc le seul qui ait évolué vers le socialisme et même vers le communisme.

*Paul Ramadier ,député socialiste de l’Aveyron de 1928 à 1040, de 1945 à 1951 et de 1956 à 1958. Il est maire de Decazeville de 1919 à 1959. Avocat, néo-socialiste ( tendance née de la scission de la SFIO au congrès de Tours à laquelle appartenait P. Renaudel , A Marquet, Deat). Seul parlementaire de l’Aveyron à ne pas voter les pleins pouvoirs à Pétain; Déchu de ses fonctions de maire le 26 avril 1941 (Pour la seule raison qu’il était franc-maçon). Les FTP lui dénie toute participation réelle à la résistance. (En juillet 1942, le commissaire de police note « M. Ramadier, ancien ministre,s’abstient de toute manifestation » A.D Aveyron DOS.201W69-75) Du reste il tenait les maquisards pour des voyous (témoignage de P Delpech ,futur maire de Decazevlle corroboré par F Vittori) Il n’approuve pas les attentats, les actions violentes, les réquisitions etc. Il condamna l’assassinat du commissaire de police de Decazeville Georges Roche qui avait multiplié les arrestations et les interrogatoires musclés de résistants.
Serge Ravanel chef des Forces Françaises de l’Intérieur ( FFI ) de la région toulousaine, Compagnon de la Libération dans « L’esprit de la résistance » Seuil « Mener un si dur combat pour rendre à la France une nouvelle jeunesse, un dynamisme, un esprit d’enthousiasme et de sacrifice pour finalement hériter d’un Ramadier en 1947 …
*Edmond Ginestet (1900-1963) : Reçu à l’école normale de Rodez, il est déplacé à l’Ecole Normale de Cahors pour agitation. Dés le lendemain du congrès de Tours, il adhère au parti Communiste et abandonne l’enseignement pour être ouvrier métallurgiste. Après une succession d’emplois et de licenciements compte tenu de son activité syndicale, il fit même 8 mois de prison en 1925, il est élu en 1929 conseiller municipal d’Aubin avec son camarade Garrigou et les premiers élus communistes en Aveyron. En 1934 il est élu conseiller Général et maire d’Aubin. Le 20 février 1940, conformément au décret Sérol
, Edmond Ginestet est déchu de ses mandats électoraux. Déporté en Algérie, il est interné dans différends camps. Libéré par les américains en 1942 (sic) il s’adressa alors tous les jours via les antennes de Radio-France -Alger à la population française occupée dans l’émission « Un travailleur parle à ses camarades »
Les autres parlementaires Aveyronnais en 1940 (élus en 36, lors de la victoire du front populaire)
DEPUTES
Joseph Bastide député de droite de 1936 à 1942. Avocat, bâtonnier du barreau de Rodez, le Congrès républicain national lui demande de se porter candidat aux élections législatives de 1936. Après une intense campagne axée sur la dénonciation du danger communiste incarné par le Front populaire, il est élu au premier tour devant un candidat radical. Il S’abstiendra lors du vote des pleins pouvoirs à Pétain (Aucune activité résistante et curieusement élu à la 1ère Assemblée nationale constituante.)
François Martin député de droite de 1936 à 1940. Avocat, militant de l’action française. Son programme sur lequel il a été élu : « la liberté de l’enseignement, les traditions morales et spirituelles » tirées de l’Evangile, le vote familial…La République doit être ouvertes aux « bons français »
Il a voté les pleins pouvoirs à Pétain (Il est nommé successivement membre du Conseil National de Vichy, puis préfet de Montauban de 1940 à 1943) .Titulaire de l‘ordre de la Francisque.
Une intervention anticommuniste de ce même François Martin, le 27 janvier 1940, celui là même qui allait se vautrer dans la collaboration.
«(…) Le moment est venu d’ouvrir le dossier de la trahison commu-
niste et de l’ouvrir sans réticence, dans toute son ampleur… Il faut
que par la netteté de ses actions, la France signifie d’une façon
catégorique à l’Allemagne et à la Russie, qui sont étroitement
associées dans leur ignominieuse entreprise, que nous avons à construire, à l’intérieur aussi, une véritable ligne Maginot du
moral et de la résistance du pays. (…)
La Haute Cour de Justice n’a pas eu à connaître de son attitude pendant l’Occupation, il a paraît-il rendu de nombreux services à la résistance comme quasi tous les collabos.(Ceci précisé sur Wikipédia mais en cherchant bien on en trouve aucune trace par ailleurs et tous les collabos avaient leur « résistant » ).
« Il y a l’exemple du préfet du Tarn-et-Garonne, Louis François-Martin, qui a expliqué, au cours du procès Pétain, comment il avait prévenu les juifs de son département avant la rafle du 26 août 1942. Il a peut-être organisé les fuites, mais 173 juifs ont été arrêtés dans son département quand il était en poste même s’il se défend de l’avoir fait. On a le document de la police nationale, avec les noms écrits à la main. Ces gens ont été déportés. Et, à l’époque, le préfet n’avait pas démissionné. En principe,tous les préfets du temps de Vichy auraient pu être inculpés de crimes contre l’humanité » Serge Klarsfeld
La philosophe Hannah Arendt a magistralement montré, jadis, que ces deux arguments étaient inacceptables : « Obéir c’est soutenir, Rester c’est cautionner » Jean Moulin a démontré que, à partir du moment où on est personnellement confronté à un ordre inacceptable, c’est au contraire démissionner qui signifie résister.
Emmanuel Temple député de droite de 1936 à 1942 . Alter égo de François Martin quant au programme sur le quel il a été élu. Avocat il a voté les pleins pouvoirs à Pétain, il appartiendra au Conseil National, organe consultatif du régime de Vichy et exercera à ce titre les fonctions de préfet d’Alger et de gouverneur général de l’Algérie. Relevé de l’inéligibilité dès octobre 1945,
Jean Niel député de droite de 1936 à 1940 et du 26 avril 1936 au 31 mai 1942 . A voté les pleins pouvoirs à Pétain . Avocat
SENATEURS
Joseph Monservin sénateur de droite de 1912 à 1944. Avocat puis magistrat. A voté les pleins pouvoirs à Pétain. Adversaire déterminé du Front Populaire, il s’afficha critique sans nuance du jeune préfet de l’Aveyron Jean Moulin.
Joseph Coucoureux, sénateur de droite de 1930 à 1945, avocat a voté les pleins pouvoirs à Pétain
Jean Maroger sénateur de droite de 1939 à 1945. Polytechnicien. A voté les pleins pouvoirs à Pétain
En résumé, tous avocats à l’exception d’un polytechnicien. (Curieusement la politique c’est l’intérêt général et l’avocat c’est l’intérêt particulier ) Leur orientation politique confirme en tous cas que les facs de droit n’ont jamais été particulièrement un repaire de gauchistes. Un seul parlementaire a voté contre les pleins pouvoir à Pétain (Ramadier), un s’est abstenu (Bastide). Les autres ont passé tranquillement (pour ne pas dire plus ) les années d’occupation .
Aucun n’a été résistant.
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